Publié le 08/02/2018 - Poignet cassé dans le Var, arbitre frappé et bousculé en Corrèze pour un carton rouge, nez fracturé et trois semaines d'arrêt de travail en région parisienne: tel est le bilan, non exhaustif, des violences contre les arbitres amateurs depuis le début de la saison.
"Le match de foot est devenu un alibi, le stade est devenu un terrain de jeu pour faire comme à la télé. On insulte tout le monde, on crache, on tabasse", peste Patrick LHERMITE, ancien arbitre de Ligue 1 et désormais responsable de l'arbitrage en Île-de-France.
La saison dernière, l'association des arbitres amateurs, l'UNAF, a dénombré près de 400 "agressions physiques". Cette année, "les incivilités sont de plus en plus générées par l'environnement extérieur. Ça peut être des spectateurs depuis les tribunes, et même ce qu'il faut bien appeler des hordes de voyous qui déboulent dans les stades", dénonce M. LHERMITE auprès de l'AFP.
Il cite le cas d'une défaite de Tremblay-en-France en septembre face à Sénart-Moissy, en Coupe de France. A l'issue de la rencontre, une trentaine de personnes pénètrent sur la pelouse et tabassent l'arbitre central et un de ses assistants. L'arbitre a été hospitalisé pour plusieurs fractures du nez.
Aujourd'hui, il a repris le sifflet mais ne souhaite pas s'exprimer. D'autant que l'un des auteurs des coups a été identifié et que l'arbitre, qui a porté plainte, attend les suites judiciaires de cette affaire.
On s'est habitués...
Le responsable de l'UNAF en Ile-de-France, Damien GROISELLE, passe souvent ses mercredis soir en commission de discipline pour accompagner des arbitres agressés.
"J'ai 15 agressions physiques déclarées par les arbitres mais malheureusement certains arbitres se taisent", explique-t-il, en racontant un épisode récent à Saint-Denis, où une "centaine d'individus" ont fait irruption sur le terrain et ont frappé des joueurs d'Amiens et les arbitres, après une rencontre de jeunes.
Le problème est loin de ne concerner que l'Ile-de-France, souligne-t-il. "On s'est habitués à entendre des insultes ou des menaces de mort depuis les tribunes."
En Corrèze, le ras-le-bol a poussé les arbitres à organiser une marche blanche en décembre, à Brive, tandis que tous les matches du week-end du 9/10 décembre étaient reportés. La raison? Plusieurs agressions en quelques semaines, dont un arbitre bousculé et frappé pour un carton rouge à un joueur de l'AS Portugais de Tulle, lors d'un match contre Cornil.
La marche des Arbitres en Charente... |
... et en Corrèze, pour manifester leur mécontentement et leur colère !! |
Le 3 février dans le Var, en moins de 17 ans, entre Puget-sur-Argens et Hyères, un Hyérois ne supporte pas d'être exclu et fracture le poignet de l'arbitre de 22 ans. "Le joueur s'enflamme. Il me fait des doigts d'honneur et m'insulte", raconte Esteban GARCIAà l'AFP. "Ses coéquipiers essayent de le retenir mais il sprinte vers moi sur un vingtaine de mètres et m'envoie un gros coup de pied au niveau du poignet. Les insultes ou les crachats, c'est presque tous les week-ends mais c'est la première fois que je suis agressé. Psychologiquement, j'y repense tout le temps. Je me refais la scène tous les jours."
Le bénévole a 21 jours d'ITT (interruption temporaire de travail). "C'est la cinquième agression physique en un an (dans le Var) alors qu'on n'était pas coutumier du fait", relève Patrick FAUTRAD, en charge de l'UNAF local. "Cela reste des cas isolés mais c'est difficilement compréhensible en milieu de championnat. D'habitude, c'est en fin de saison que la tension monte."
Il ne faut pas s'étonner...
A la fédération française, Eric BORGHINI, président de la commission fédérale d'arbitrage, reconnaît une "petite flambée de violences". "Cela fonctionne par cycle et on surveille ça de près. On mène un gros travail éducatif mais c'est une politique de longue haleine, avec comme maillon faible parfois l'attitude des parents en bord de terrain."
Toutes les personnes interrogées par l'AFP soulignent des sanctions en général exemplaires, avec de longues suspensions. La loi Lamour de 2006, qui fait des arbitres des "chargés de mission de service public", a permis d'aggraver les peines. Mais encore faut-il identifier les agresseurs.
Le monde amateur réclame enfin davantage d'exemplarité chez les pros vis-à-vis des arbitres."Ce qui se passe à la télé, on en a toujours une réplique sur le terrain", prévient M. LHERMITE. "Les propos des dirigeants ou les travers médiatiques de certains consultants pour faire le buzz, c'est très dangereux. Il ne faut pas s'étonner que dans nos tribunes, on dégueule sur les arbitres au niveau régional."