Publié le 06/12/2017 - Il est lorrain et représente chaque week-end ou presque sa région sur les pelouses de Ligue 1 pour la première fois de sa carrière. Une consécration pour ce jeune arbitre de 36 ans, boulimique de travail et la tête solidement vissée sur les épaules. Portrait.
Le ciel est gris, nébuleux, brumeux, infiniment triste. Un crachin glacial et inattendu balaie le stade du CS Veymerange et s'égoutte sur la charpente du club house, route du Buchel à Thionville. A quelques encablures du complexe cinématographique Kinépolis. Sur la pelouse synthétique d'entraînement, Thomas Léonard, grande silhouette svelte et affûtée, brave les caprices d'Eole et s'échauffe avec « un collègue », Anthony Ustaritz, conseiller technique en arbitrage de la Ligue Grand Est de Football.
Sous les yeux de son père Jean-Gabriel, survêtement aux couleurs du club sur le dos, qui a été le chercher quelques minutes auparavant à la gare Lorraine TGV. La veille, il officiait comme quatrième arbitre au Matmut Atlantique de Bordeaux, théâtre de l'affiche entre les Girondins et l'Olympique de Marseille (1-1) devant les caméras de Canal +. Une rencontre où il a dû rester « concentré » de la première à la dernière minute. Son rôle exact ? « Je suis dans la gestion des équipes, des bancs de touche et surtout je tente s'il y en a besoin d'apporter une vision extérieure au trio arbitral», explique le jeune homme de 36 piges, cheveux courts, faux airs de l'ancien attaquant bulgare de Manchester United ou de l'AS Monaco, Dimitar Berbatov.
Le premier Amiens-Lille, c'était lui
Grand fan de Star Wars, Thomas Léonard a intégré cette saison pour la première fois de sa carrière la constellation d'étoiles de la Ligue 1. « Un aboutissement du travail et des sacrifices réalisés durant ces dernières années. J'attendais secrètement ce moment, c'est la plus belle des récompenses.» Le Thionvillois est le petit dernier, le quatrième sifflet d'une Ligue Grand Est particulièrement bien représentée parmi l'élite après le Vosgien et compère de la promotion 2007 Benoît Bastien (34 ans), l'Alsacien Frank Schneider (38 ans) et le Messin d'adoption Sébastien Moreira (40 ans) suite à la mutation professionnelle de sa compagne.
Passionné et « amoureux » de football depuis qu’il est haut comme trois pommes, Thomas Léonard vit en quelque sorte un rêve de gosse et n'a nullement l'intention de se réveiller. C'est pourquoi il ne ménage pas ses efforts en ce lundi après-midi. Il s'est concocté une séance de vitesse et un travail d'appuis très physique dans la perspective du «yo-yo test » qui l'attend dans deux semaines à Clairefontaine. « Il y en a deux par an, en juillet et en décembre. C'est une épreuve par paliers qu'il faut franchir pour pouvoir arbitrer. » Depuis le début de la saison, Thomas Léonard a déjà sévi à cinq reprises en Ligue 1 et a même sorti deux cartons rouges. « On ne peut pas toujours être strict. Il faut savoir aussi être pédagogue. Il y a des moments plus propices que d'autres pour ça. J'essaie de trouver le juste milieu », confesse celui qui était également à la manœuvre le 30 septembre dernier lors du premier Amiens-Lille, interrompu après la chute d'une barrière de tribune. Une expérience insolite qui fait aussi partie des aléas du métier. « De toute façon, un match n'est jamais comme un autre.»
Remise en question perpétuelle
Les premières lignes de son histoire avec l'arbitrage se sont donc écrites il y a pile-poil deux décennies avec le CS Veymerange (aujourd'hui 500 licenciés). Comme toujours dans pareil cas un peu par hasard. Il s'en souvient en tout cas comme si c'était hier.
« J'avais 16 ans, grand et chétif et il n'y avait pas la catégorie de jeunes pour moi. J'ai songé changer de club et puis on m'a proposé de prendre le sifflet», admet celui qui avait, à l'époque, évolué à tous les postes sur le terrain, mais essentiellement en numéro 6. « J'adore courir et je voulais absolument rester dans le milieu du foot. Ça m'a tout de suite plu.»
Thomas Léonard montre immédiatement des qualités. Il fait ses armes dans le district mosellan, arbitre jusqu'à trois matchs par week-end, parfois le dimanche matin à 10h, en hiver comme en été, sous la pluie ou un soleil de plomb. « Ça n'a pas toujours été simple au début. J'ai même pensé arrêter après une série de matchs durant lesquels il y avait eu des bagarres.» Il monte finalement les échelons. Moins vite que le prodige Benoît Bastien. Mais à son image. Pas à pas. Avec humilité et abnégation. A force de travail, surtout. Redescendu en National après deux saisons en Ligue 2, il s'accroche, remet le bleu de chauffe et vit en 2014 une rencontre de Coupe de France pas comme les autres à la Réunion entre l'AS Excelsior et Concarneau. Le meilleur moment jusqu'ici de sa jeune carrière.
Perfectionniste jusqu'au bout des ongles, il est aujourd'hui dans la lumière, mais n'est pas du genre à s'en gargariser. « C'est une remise en question perpétuelle et un investissement sans faille. Tu ne peux pas te reposer sur tes acquis dans ce job. Il faut à chaque fois remettre les compteurs à zéro et préparer ton prochain match avec le maximum de sérieux. Je n’ai qu’une seule obsession avant une rencontre : rendre la copie la plus propre possible.»
Pas de plan sur la comète
Salarié à mi-temps annualisé pour EDF à la centrale de Cattenom – où travaille également sa femme – Thomas Léonard se donne désormais à fond pour l'arbitrage. « En dehors de ma vie privée, c'est 80% de mon temps et 20% pour le job.» Il arrive toujours sur le lieu de la rencontre la veille pour être « tranquille », dans sa bulle « avec son équipe » et en repart le lendemain. Le jour J, il s'accorde une petite sieste avant de se rendre au stade deux heures avant le coup d'envoi. « Je n'ai guère changé les habitudes que j'avais en Ligue 2 même si certaines approches sont différentes. Notamment par rapport à la vitesse de jeu et l'impact. Je viens avec mes qualités en cherchant constamment à m'améliorer durant les stages. Je revois tous mes matchs grâce à une plateforme et j'ai des retours réguliers de la direction technique de l'arbitrage.»
Arbitrer une finale de Coupe de France ou de Coupe la Ligue, épingler des rencontres de Ligue des Champions, d'un Euro ou d'un Mondial à son tableau de chasse, le Mosellan pourrait désormais dérouler toute une kyrielle d'objectifs. Mais l'intéressé n'est pas du genre à se prendre pour un autre et ne voit pas encore aussi loin. « Chaque chose en son temps. Je suis le petit nouveau, je veux déjà me maintenir en Ligue 1», affirme celui qui voit l'arbitrage-vidéo comme « un plus». « On s'entraîne régulièrement avec», précise-t-il.
A 36 ans, Thomas Léonard a l'avenir qui lui appartient, puisqu'il n'y a plus de limite d'âge (45 ans) comme il y a peu. La suite immédiate pour lui ?
Il sera au sifflet ce samedi 25 novembre pour Montpellier-Lille. « Je prends beaucoup de plaisir à arbitrer et je vis de ma passion. » What else ?
Il sera au sifflet ce samedi 25 novembre pour Montpellier-Lille. « Je prends beaucoup de plaisir à arbitrer et je vis de ma passion. » What else ?
Source : LA SEMAINE