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FIFA - FESTIVAL ESPOIRS DE TOULON : Interview de Benoît MILLOT....

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Publié le 28/05/2016 - A 34 ans, Benoît Millot a fait sa place au sein de l’arbitrage français. Le natif des Hauts-de-Seine a découvert la Ligue 1 il y a cinq ans maintenant et a même officié en Europa League. Avec ses deux assistants, Eric Danizan et Philippe Jeanne, ils ont arbitré deux rencontres du Tournoi de Toulon. Interview....
Benoît Millot, qu’est-ce que ça vous apporte de venir arbitrer des matches lors de ce tournoi ?

« Il y a le côté footballistique : c’est très intéressant de voir des équipes issues de continents différents. On retrouve des identités qui ne sont pas les mêmes pour nous qu’en Europe. Il y a aussi un côté purement arbitral, humain. On peut échanger avec nos collègues venant des différents coins du monde et voir si nos consignes et nos manières de faire sont les mêmes ou sont très différentes. L’échange humain est très riche lors du Tournoi ».

Vos manières de faire sont-elles similaires ?

« Tous les arbitres du Tournoi sont internationaux mais ne dépendent pas de la même confédération : UEFA pour les Européens, CONMEBOL pour les Sud-Américains … Les instructions proviennent de la FIFA, ce sont les même pour tous. Nous, Français, nous ne faisons pas différemment qu’un Paraguayen ou qu’un Japonais. Le football est mondial. On en prend vraiment conscience en étant tous rassemblés ici. On ne se clone pas les uns les autres mais il y a une manière de faire uniforme ».

Est-ce qu’il y a quand même des « styles » d’arbitrage ?

« Oui, les instructions sont globalement les mêmes mais il y a des identités. Les Sud-Américains sont plus « autoritaires », rigoureux. Ça ne rigole pas trop. Les Asiatiques ont une façon de faire très disciplinée. C’est presque caricatural, mais je vous assure que ça se retrouve. Chez les Européens, il y a les Latins qui sont plus dans le mangement global d’une rencontre alors que ceux de l’Est sont très disciplinés.


« La Ligue 1 est un championnat très normalisé »


Vous parliez de culture différente. La culture Ligue 1, c’est de critiquer chaque décision arbitrale ?

(Il sourit). « Quand on échange avec les arbitres Mexicains, on se rend compte que leur championnat est hyper passionné. Chaque semaine, les matches sont très disputés. Chez eux, il se passe des choses incroyables. Parfois, ils nous montrent certaines vidéos de leur rencontre, ils voient des cas de figure que l’on ne pourrait pas imaginer en Europe, dans les tribunes ou sur le terrain. On se rend compte que notre football est un peu aseptisé, presque, et que la Ligue 1 est un championnat très normalisé par rapport à ce qu’ils peuvent voir chaque semaine ».



Justement, ce n’est pas un peu trop normalisé ?

« On a certains protocoles qui sont appliqués. Je ne vais pas dire aveuglement mais ils sont appliqués par soucis dit-on de sécurité. On se cale là dessus. Ce sont les délégués qui mettent en place ces protocoles. C’est vrai qu’on ne sort pas tellement des clous. Mais c’est vrai pour tous les Européens. Les choses hors-normes ne se passent pas vraiment dans nos pays ».

Vous avez débuté très tôt en Ligue 1. Comment expliquez-vous cette ascension rapide ?

« Il y avait un souhait, qui est toujours valable aujourd’hui, de rajeunissement au sein de l’arbitrage français. La pyramide des âges des arbitres faisait qu’une certaine génération allait arriver en fin de carrière. Quand je suis arrivé en Ligue 1 il y a cinq ans, il y avait des limites d’âges. Un arbitre pouvait aller au maximum, si ses performances physiques et de terrain étaient réussies, jusqu’à 45 ans. Aujourd’hui, cela n’existe plus mais les tests physiques sont de plus en plus exigeants. La limite d’âge va donc un peu perdurer, on ne verra jamais d’arbitre de Ligue 1 à 55 ans. J’ai fait partie de cette politique-là avec Benoît Bastien, Clément Turpin ou Nicolas Rainville. La DTA souhaite que l’arbitrage français soit toujours sur une voie d’excellence. Le but est que les nouveaux arbitres arrivent au niveau international assez jeune pour aller ensuite vers les grandes compétitions ».

« Le public se dit que les arbitres derrière les cages font les planctons »


L’arbitrage évolue avec notamment deux arbitres derrière chaque but. On entend souvent dire le public « qu’ils ne servent à rien » …

« On peut comprendre que le grand public se dise ça. Les arbitres additionnels ne se manifestent pas physiquement : ils n’ont pas de drapeaux ni de sifflet. On se dit qu’ils font un peu les planctons derrière le but. Tous les arbitres sont reliés par un système d’oreillette. Il y a une multitude d’informations qui s’échangent via ce système. Le grand public ne le perçoit pas, ne l’entend pas et ne le voit pas. La vraie mission des arbitres additionnels est de sauver l’arbitre central quand il fait une erreur, par exemple une main qu’il n’a pas pu voir à cause d’un mauvais angle de vue. La toute première fonction d’un arbitre additionnel est la validation d’un ballon qui a franchi la ligne de but ».

Il y a désormais la Goal Line Technology …

« L’arbitre additionnel peut se dire « si moi je ne vois pas le ballon rentrer, le technologie me le dira. Donc je peux me concentrer davantage sur les mains, les tirages de maillot … ». Il y a une vraie mission d’assistance à l’arbitre. La Goal Line permet de détacher encore plus les arbitres additionnels à aider le trio arbitral. C’est gagnant pour le football. »

La vidéo est un débat qui revient souvent sur la table. Vous êtes pour ou contre ?

« Les instances internationales qui travaillent à l’évolution du football et de ses règles a laissé une porte entrouverte pour l’introduction de la vidéo en 2016. La France s’est portée candidate pour des expérimentations. Ça ne va pas se mettre en place du jour au lendemain sans qu’on en connaisse les conditions et les modes d’applications. Peut-être que dans notre Ligue 1 ou Ligue 2, je pense lors de la saison 2017-2018,  il y a de fortes chances qu’on voit des débuts d’expérimentation sur la vidéo ».

« Qui paye pour voir les arbitres ? Personne »


Comment cela va-t-il se manifester ?

« Je suis incapable de le dire. Je sais que la DTA travaille activement sur ce dossier pour que la France puisse être « site pilote ». Ce qu’on ne sait pas c’est à quels moments et dans quelles conditions on pourrait avoir recours à la vidéo. Est-ce que c’est uniquement pour des situations dans les surfaces de réparation ? Sur tout le terrain ? Pour des hors-jeu ? Oui, il risque d’y avoir des recours à la vidéo mais on ne sait pas le cadre. Si on peut être un peu avant-gardiste, tous les arbitres seront gagnants. Nous, on est partants ».

Vous sentirez-vous plus en sécurité de pouvoir faire appel à la vidéo ?

« Tous les arbitres ne feront jamais la même chose au même moment. Je parle de choses discutables, interprétables, quand c’est 50/50. Le sentiment de l’un n’est pas celui de l’autre. Les arbitres ne ressentent pas le besoin de la vidéo au même moment. Dans l’intérêt d’une rencontre, ce sont toujours les décisions majeures que l’on retient, celles qui ont un impact sur le résultat. Ce qui est intéressant dans le recours à la vidéo, c’est de voir en sortant d’un match que la vidéo nous a permis d’éviter une erreur qui aurait eu une incidence sur le résultat. Ça peut être un motif de sérénité pour l’arbitre. On est comme les joueurs. Quand on sort d’une rencontre et qu’on sait que le résultat nous est imputable, croyez bien qu’on ne va pas s’endormir l’esprit tranquille. On est impacté. Évidemment, on ne fait pas de grandes déclarations dans la presse mais ce n’est pas quelque chose qu’on vit nécessairement bien.  La mission de l’arbitre est d’être au service du jeu. Il n’a pas vocation à être dans la lumière, a priori. Qui paye pour venir voir les arbitres ? Personne. Le public veut voir du jeu. Quand l’arbitre se retrouve être le mauvais acteur d’une rencontre, il n’y a pas pire. Si la vidéo peut nous éviter ça, c’est gagnant pour le foot ».


Benoît, comment vivez-vous la médiatisation des arbitres, parfois les critiques ?

Les arbitres, on se blinde relativement, parce qu'on passe d'une rencontre à une autre. Vous le voyez bien avec les joueurs. Que dit un gardien qui fait toujours l'arrêt et qui là a eu le gant qui a glissé et le ballon est rentré ? Que c'est un accident. S'il se dit "je ne ferai plus jamais les arrêts", sa carrière est terminée et dans sa tête, il se passe quelque chose qui n'est pas positif pour lui. Nous arbitres, on débriefe chacune de nos rencontres. On se doit de faire une analyse critique de nos performances vis-à-vis de la DTA. Après un match, on se confronte à nous-même avec l'image. Ce qui est intéressant, c'est de retravailler sur ce qui n'a pas fonctionné. Alors forcément, ce qui n'a pas fonctionné a eu un impact. On est d'accord. Sauf que pour nous, l'important c'est d'en tirer les enseignements pour ne pas reproduire. On se dit "tout cette expérience que j'emmagasine doit m'apporter une plus-value pour ne pas refaire les mêmes erreurs".

Depuis cette saison, les arbitres sont notés dans le journal L'Equipe. Qu'en pensez-vous ?

On se blinde un peu de tout ça. Le plus embêtant finalement, c'est pour nos proches, qui peuvent subir ça de plein fouet. On n'est pas non plus hors du monde. Pour nos compagnes, nos enfants, c'est le voisin, le collègue de travail, le copain à l'école qui va dire "ah, j'ai vu ton père...". En règle générale, l'arbitre n'a pas vocation a être dans la lumière. S'il l'est, c'est que c'est mauvais pour lui. Imaginez que vous sortez d'une mauvaise performance, vous allez peut-être vous éviter de lire la presse. Ce n'est pas s'aveugler, c'est éviter de se mettre un deuxième coup de couteau, en fait.

Il y a aussi des énormes enjeux financiers sur certains matchs. Est-ce que dans votre manière d'arbitrer vous en avez conscience, vous y pensez ?

Les arbitres sont parfaitement préparés a tous les enjeux et le contexte d'une rencontre. En amont des matchs, de plus en plus souvent, on est réunis à Clairefontaine de manière à avoir des préparations physiques et collectives, mentales et individuelles, et aussi tactiques. Après, ce serait trop facile de croire que parce qu'on est bien préparé tout va bien se passer. L'être humain est faillible. On a des moyens technologiques qui arrivent à nous, la Goal Line, qui sait, peut-être la vidéo demain... Mais on fait d'abord et avant tout avec des convictions humaines. Mais même en préparant nos matchs et en connaissant les acteurs, le zéro défaut n'existe pas. De temps en temps malheureusement, il y a erreur et donc conséquence, et ça, c'est toujours navrant pour les arbitres mais surtout pour le matchs et les équipes qui subissent ces erreurs.

"Énormissime pour Clément Turpin de participer à l'Euro"


Il y a une prise en compte du contexte donc, on n'aborde pas un OM-PSG comme n'importe quel autre match de Ligue 1...

Forcément. Mais le niveau d'implication et d'exigence qu'on attend d'un arbitre reste le même. Quand on dit "un OM-PSG, c'est forcément plus chaud", oui. Mais à l'arrivée, il vaut trois points, et l'autre match certes moins médiatisé en vaut trois aussi, et si ça se trouve pour l'équipe en question, c'est tout autant important qu'elle joue peut-être un maintien ou une place européenne. Oui, le spectre médiatique est beaucoup plus exacerbé sur les grosses rencontres. Mais notre exigence et notre implication sont les mêmes. Notre cadre technique attend la même performance, même si c'est sûr que c'est plus réjouissant quand un gros match se passe bien. C'est important pour notre championnat, pour son image à l'étranger. On n'a pas le droit au relâchement, de se dire "le match moins médiatisé, je peux faire un peu moins d'efforts en deuxième période, ce n'est pas grave".



L'Euro arrive bientôt. Est-ce une déception de ne pas y être ?

Non pas du tout. Premièrement, on est très content que Clément Turpin et les collègues qui l'entourent aient été retenus par les instances internationales. C'est forcément une reconnaissance de son travail. C'est un moyen pour l'arbitrage français d'être présent dans les grandes compétitions, c'est hyper important. Ensuite, il faut connaître le processus de sélection. Chaque nation a la possibilité de présenter un représentant à l'UEFA. Dans cette instance, il y a plus de cinquante pays, mais il n'y a pas cinquante arbitres qui seront présents à l'Euro. Tout un processus se fait après pour ne retenir que les meilleurs équipes arbitrales. On apporte à Clément Turpin tout notre soutien, c'est énormissime pour lui. On lui souhaite le meilleur Euro possible et qu'il fasse briller les couleurs françaises au niveau de l'arbitrage. Si la compétition se passe bien pour lui, c'est aussi un moyen pour d'autres d'avoir peut-être une chance derrière. On prépare aussi l'avenir.

"En tant qu'arbitre international, on est ambassadeur de l'arbitrage français"


Quel est votre objectif personnel, faire des matchs de Ligue des Champions, des finales ?

L'objectif, c'est toujours d'aller à l'étape suivante. Aujourd'hui j'ai 34 ans, je suis dans ma troisième saison internationale. En Europe, ça fonctionne comme en France au niveau de l'arbitrage, vous évoluez étape par étape, sachant qu'à un moment donné, vous aurez toujours une limite. Vous allez dans les plus grandes compétitions, d'autres iront dans des compétitions un peu moindres. Quand on a un badge d'arbitre international, quelque part, on est un peu ambassadeur de notre arbitrage français lorsqu'on est nommé sur un match à l'extérieur de nos frontières. On représente nos vingt ou trente mille collègues de France à travers ça. La limite, on ne la connaît pas, mais c'est déjà une chance et un privilège d'être à l'international.

Avez-vous un métier à côté ?

J'en avais un. J'étais dans la fonction publique, j'étais directeur des sports dans une commune de la région parisienne. Pour me consacrer à l'arbitrage et me donner toutes les chances, je me suis mis en détachement de cette activité professionnelle.

Et puis il y a un projet en marche qui donnerait aux arbitres le statut professionnel...

Oui, il y a un projet très sérieux. On y est presque puisqu'il serait mis en application au 1er juillet 2016. Ce qui est retenu dans le projet, c'est que, à l'orée de quelques saisons, a priori trois ou quatre, certains arbitres de première division deviennent professionnels et donc à terme que l'ensemble des arbitres de Ligue 1, centraux et assistants, soit professionnel. Le tout avec des contrats à durée déterminée parce qu'en sport, vous ne partez pas sur des CDI, c'est de la performance. L'idée serait qu'on soit tous professionnels mais sous contrats, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui puisqu'on est encore travailleur indépendant à l'heure actuelle.

Source : Festival International Espoirs Toulon - Var - Provence 
Les arbitres du Tournoi de Toulon : http://www.tournoitoulon.com/arbitre_festival_foot.php






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